HERKOUF au pays de Yam
Babacar SALL
Article publié dans
ANKH n°4/5
Résumé
:
A partir des documents
disponibles - biographie du gouverneur égyptien HERKOUF,
textes grecs - l'auteur montre que contrairement à un point de vue
souvent exprimé, l'Afrique subsaharienne, et plus précisément la région
du Nil moyen, n'était pas restée isolée de l'Egypte pharaonique. En
particulier, l'analyse des faits historiques concernant le pays de
Pount et celui de Yam révèle l'existence de relations
diplomatiques et commerciales à la fois précoces et intenses avec l'Égypte
pharaonique ; elle permet en outre à l'auteur d'étayer l'hypothèse
selon laquelle le pays de Yam serait situé dans le Darfour.
Abstract
: HERKOUF and the Yam Country
— From the available documents
- Biography of the Egyptian Governor HERKOUF,
Greek texts - the author shows that opposite to a often expressed point
of view, Subsaharian Africa and more precisely the mid-Nile region, was
not isolated from the rest of Pharaonic Egypt. In particular, the
analysis of the historical facts concerning the Pount country and
the Yam country reveals the existence of early as well as,
intensive diplomatic and commercial relationships with Pharaonic
Egypt ; besides, it supports the author's hypothesis, according to
which, the Yam country would be situated in Darfour.
1. Introduction
L'étude
des relations inter-régionales en Afrique ancienne en général, entre l'Egypte
pharaonique d'une part, et la moyenne vallée du Nil d'autre part,
constitue un domaine fondamental de l'égyptologie. Elle permet, entre
autre, de revoir la lecture hégélienne rémanente de l'isolement de
l'Afrique au Sud du Sahara, "l'Afrique proprement dite". Ce
caractère rémanent explique l'invite de certains auteurs à recourir à
l'ethnohistoire pour rendre compte de la situation historique de
certaines sociétés africaines dites non touchées par l'Islam et le
Christianisme. Cette lecture (d'essence hégélienne nous semble-t-il)
reconduit la théorie du facteur extérieur (Islam, Christianisme) comme
moteur de mutations en Afrique. Elle semble ignorer que l'Egypte
pharaonique avait noué des relations avec les sociétés africaines que
l'on dit être caractérisées par le traditionalisme, que l'on considère
comme celles des derniers hommes du Paléolithique.
L'Egypte pharaonique dont
les influences ont modelé l'histoire du monde circum-méditerranéen
ne pouvait pas ne pas avoir la même action (parce qu'elle était
nilotique et africaine) dans les territoires du moyen voire du haut Nil.
Les relations diplomatiques et commerciales entre l'Egypte et le moyen
Nil - territoire de Yam et Pount notamment - avaient été
précoces et intenses. C'est de ces relations dont il va être question
dans les pages qui suivent.
La documentation est
constituée par la biographie de HERKOUF
et de certains passages des sources grecques, d'HÉRODOTE
notamment. Il s'agit moins d'exhumer des faits nouveaux que de livrer
une perception différentielle par rapport à un certain nombre d'études
sur les voyages d'HERKOUF,
les pays de Yam et Pount.

La Vallée du Nil et le Darfour
(Histoire générale de l'Afrique, Tome 2, UNESCO, p. 312)
2. La dernière étape des expéditions
Par
trois fois sous MERENRæ I et
une fois sous PEPI II, HERKOUF,
grand courtisan si on en juge par ses titres avait dirigé en tant que
Gouverneur du Sud "
" des expéditions vers le pays de Yam
(
).
Dans ces explorations et expéditions de HERKOUF
qui n'étaient pas des pratiques isolées, la quatrième occupe une place
centrale. Elle a eu lieu en l'an 2
(
)
du règne de PEPI
II . HERKOUF partit le 15e
jour du 3e
mois de la saison de Akhet (de l'Inondation). HERKOUF
savait qu'à cette époque des hautes eaux, les cataractes, surtout la
redoutable Batn el Haggar (qui se déploie sur quelques 125 km), sont
navigables. Précaution de taille dans l'hypothèse où durant
l'expédition, le recours à la voie nilotique (navigation donc) s'avérait
nécessaire. HERKOUF
savait (après trois expéditions déjà) qu'à un moment donné, il
rejoindrait le cours du Nil, qu'à partir des derniers contreforts
méridionaux du Batn el Haggar, il était possible d'envisager la
continuation de l'expédition par voie d'eau.
La première expédition
destinée à explorer une
piste menant au pays de Yam dura 7 mois (
).
La seconde fut accomplie en 8 mois (
)
.
Ce temps (7 et 8 mois)
comprend les durées de l'aller, du séjour et du retour. La différence
d'un mois entre les première et seconde expéditions peut s'expliquer par
les explorations annexes que HERKOUF
mena sur le chemin du retour en basse Nubie lors de la deuxième
expédition et qui ont allongé la durée de son voyage. En effet, à
l'aller dit HERKOUF :

"Je passais
dans Irthet, Maher, Tereres et Irtheth". Au retour, HERKOUF
a été amené à visiter le Temenos du souverain de certains de ces pays
et à explorer ces
territoires. C'était des explorations annexes puisque HERKOUF
est allé jusqu'à Yam qu'il évoque par
i.e.
ce pays. S'il voulait dire qu'il rapporta des tributs de Irthet, Maher,
Tereres et Irtheth, nul doute qu'il n'aurait pas dit "ce pays"
mais "ces pays". Cette nuance est bien mise en relief dans un
autre passage du même texte.
En partant de l'idée
que la différence d'un mois entre les 1ère
et 2e expéditions était due aux explorations annexes faites pendant le retour
de la seconde (URK I, 125, 2 et 8-9 ), on en arrive à la conclusion
qu'un voyage jusqu'à Yam (aller, séjour et retour) durait en moyenne
quelque sept mois.
La perspective de H. Goedicke
selon laquelle c'est l'aller seulement qui durait 8 mois nous para"t
difficile à accréditer. En partant de l'hypothèse que la caravane ne
parcourait que 30 km/jour, elle franchissait au bout de 7 mois une
distance de (30 km x 7 x 30 j) quelques 6300 km. HERKOUF
se serait retrouvé en ligne droite au Sud du Lac Victoria (source du
Nil). En tenant compte des haltes, des détours et autres sinuosités de
la route, on peut estimer la distance parcourue aux 2/3 de la valeur
sus-établie. Ce qui donne une distance de , soit 4200 km. En ajoutant à
ce chiffre la longueur du Nil en Egypte (quelques 1200 km), on obtient
5400 km. HERKOUF se serait
arrêté à 1000 km du Lac Victoria. Là aussi, la perspective reste
indéfendable, d'autant plus que le retour devait durer plus longtemps à
cause des charges, HERKOUF
revenant toujours avec des tributs. De plus, il est difficilement
imaginable qu'un haut fonctionnaire comme HERKOUF,
chargé de la fonction alors très stratégique de gouverneur du Sud puisse
(selon la perspective de H. Goedicke) s'absenter pendant plus d'un an et
demi.
Or selon Goedicke, c'est à
Tomâs entre Ed-Derr et Aniba qu'une piste détachée de la route de
l'Ivoire débouche sur le cours du Nil. Même si on retient
l'identification Irthet = Tomâs,
la relation de la seconde expédition montre bien que c'est en revenant
de Yam évoqué par "ce pays" que HERKOUF
descendit (passa) à l'intérieur du domaine du prince qui gouvernait en
même temps à ce moment-là les pays de Setou et de Irthet. Ce passage
traduit le fait qu'à Irthet, on pouvait passer de la voie fluviale à la
voie terrestre et vice versa. C'est à l'occasion de cet arrêt dans le
domaine du souverain de Setou et Irthet que HERKOUF
a exploré ces territoires. Il ne venait pas du désert mais du cours
supérieur du Nil.
Quand HERKOUF
rapporte qu'aucun courtisan ou caravanier envoyé vers Yam n'avait réussi
pareil exploit, il ne parle pas des tributs rapportés de Yam mais
(conformément à l'armature du texte) du fait d'être descendu dans le
domaine du prince de Setou et Irthet et d'avoir exploré ces pays.
Il apparaît ainsi que
Yam n'était ni Kargeh comme le pense Goedicke, ni Dunkul comme le
suggérait J. Yoyotte. Yam était beaucoup plus au sud. La troisième
partie du texte (3e
expédition) l'exprime clairement. HERKOUF
dit que c'est alors qu'il rentrait de Yam, marchant vers l'Egypte,
encadré par des armées d'Egypte et de Yam qu'il reut le tribut
(constitué de bétail) du prince qui gouvernait à ce moment-là, suite à
une dynamique fédérative, les pays nubiens de Irthet, Setou et Wawat.
Ces informations
permettent de localiser Yam dans le domaine soudanien jouxtant des
régions forestières, équatoriales. Cette localisation explique la
particularité de la quatrième expédition. Au terme de celle-ci, HERKOUF
amenait au pharaon PEPI
II un personnage exceptionnel que le texte désigne par le terme deneg.
: ici se pose la question de la
traduction. Faut-il penser à nain ou à pygmée ? La traduction par nain
ne nous para"t pas pertinente. Le nain est la conséquence d'une
évolution embryologique particulière, accidentelle. De ce point de vue,
tous les peuples en tout lieu et en tout temps ont pu avoir en leur sein
des nains. L'Egypte ancienne n'a pas échappé à la règle. La statue de
Seneb et celle de son épouse les présentent comme des nains.
Or, le personnage que
ramenait HERKOUF
était nouveau dans l'expérience des Egyptiens. Que HERKOUF
ait éprouvé le besoin d'en informer pharaon bien avant son arrivée en
Egypte en est un signe. Que PEPI ait eu à lui envoyer un message pour
lui exprimer que "sa majesté désire voir le deneg plus que les
tributs de Pount" :

en est un autre. C'est
ce contexte qui nécessite la traduction du Pharaonique deneg par
Pygmée. C'est seulement quand on ne prend pas en compte un tel contexte
qu'on est amené à penser que la graphie
est un adjectif substantivé, dérivé de la
graphie
qui
serait un adjectif. Or cette seconde graphie n'est attestée ni en
fonction de qualificatif ni dans une fonction de prédicat. Et, accepter
que le personnage que ramenait HERKOUF
était un pygmée, permet de comprendre les comportement et décision de PEPI
II.
Certes la biographie
de HERKOUF
nous apprend que déjà sous ISESI
(5e
dynastie), le trésorier BAOURDED
avait ramené un pygmée de Pount. Il n'en demeure pas moins qu'un pygmée
à la cour de pharaon relevait de l'exceptionnel. Si celui apporté par BAOURDED
provenait de Pount, le pygmée que ramenait HERKOUF
venait de plus loin, du pays des Esprits (Akhou). On est dans le
territoire des Ethiopiens mythiques des textes grecs, c'est-à-dire ceux
qui n'avaient pas perdu une communauté originelle avec les dieux. Tout
ceci suggère une région au coeur de l'Afrique subéquatoriale, zone
d'habitat des pygmées. D'ailleurs les sources classiques associent
certains Ethiopiens avec les pygmées. Homère
parle des pygmées que combattent les grues pendant l'hiver boréal alors
que selon Hécatée de Milet,
ce sont les pygmées qui chassent les grues.
Aujourd'hui les pygmées qui
sont un rameau de l'humanité spécifique du monde noir ne se retrouvent
qu'en Afrique équatoriale, forestière. Il se répartissent en plusieurs
groupes :
- Les Aka vivent dans la
république Centrafricaine, le nord du Congo et le nord- ouest du Zaïre.
- Les Bongo résident dans le
sud-ouest du Gabon et au Congo.
- Les Mbuti habitent le
nord-est du Zaïre.
Pour être en
possession d'un pygmée, on voit jusqu'où a pu se rendre HERKOUF.
Dans l'hypothèse où ce serait les gens de Yam qui ont remis à HERKOUF
un pygmée, la conclusion est que Yam devait s'étendre jusqu'à l'orée de
la zone forestière. Cela revient à accepter l'existence d'une intense
vie de relations entre la zone équatoriale et l'Egypte par le relais de
l'espace soudanien, domaine de céréales et non de tubercules comme la
zone équatoriale et forestière. En Afrique orientale, aux frontières du
Soudan et de la Centrafrique, existe une région bien drainée par le Bahr
el Ghazal. C'est la limite de la migration vers le sud des grues. C'est
en longeant les rives des nombreux affluents du Bahr el Ghazal que les
pygmées, sortant de la forêt, rencontraient les grues et leur donnaient
la chasse dont parlent les Grecs. En localisant Yam au coeur de l'actuel
Soudan, on est aux portes de la Centre-Afrique où habitent les pygmées
Aka.
Nous sommes bien loin
de la perspective de H. Goedicke qui identifie Yam avec l'oasis de
Khargeh et plutôt proche de la localisation proposée par E. Edel
qui situe Yam au sud de la 3e
cataracte mais qui laisse de côté la question de l'extension en latitude
de ce pays producteur de céréales, de bois d'ébène, d'encens et de
fauves, les céréales = s3t (
)
que nous traduisons ainsi à la suite de J.H.
Breasted (op. cit., I, parag. 336) et de N. GRIMAL
(Histoire Ancienne de l'Egypte, 1990, p. 105). H. Goedicke pense
qu'il s'agit d'un terme dont le sens reste indéterminé (op. cit.,
p. 16). Dans la biographie de HERKOUF,
Yam était un pays proche de celui de Akhetiou. On notera la relation de
dérivation entre Akhetiou (akhety au duel) et 3nt
(
)
qui signifie "terre arable" (Urk. IV, 482, 9). Ce qui
suggère une agriculture à Yam et au pays des Esprits.
La tradition grecque a
retenu une origine locale de l'agriculture dans l'Ethiopie lointaine,
terre des dieux (cf. Tyrtanos dit Théophraste, Histoire des
plantes, IV, 2, 5 ; Strabon, XVIII, 2, 2 ; Pline, Histoire
naturelle, XIII, 17). Etait-ce un mythe ? Probablement pas. Maints
indices archéologiques confortent cette tradition. Le Néolithique de
Khartoum est daté d'entre 4500 et 3800 av. J. C. Dès le Mésolithique de
Khartoum, datant du VIIe
voire du VIIIe millénaire,
dans les campements de pêche, les anciens Soudanais domestiquaient des
chèvres pour améliorer leur alimentation (cf. A. J. Arkell, Early Khartoum, 1949 ;
Id., Es-Shaheinab, 1953 ; F.
Geus, "El Kadada, une civilisation du 4e
millénaire sur les rives du Nil soudanais",
Archeologia, 170, 1982, p. 24-33). La culture néolithique de
El-Kadada héritière de Khartoum a débuté au 5e
millénaire (F. Geus, BSFE, 94, 1982, p. 22) ; des tombes y sont
datées d'entre 4500 et 3800 av. J.C. (dates calibrées). L'espace couvert
a été vaste.
Tout ceci pour dire qu'une
production de grains au cÏur du Soudan ancien n'a rien de surprenant et
la traduction de s3t par grain reste défendable. D'autant plus
que les tombes du Groupe A ont révélé des restes carbonisés d'orge et
des pépins de légumineuses (B.B. Lal, Indian archaeological
expedition to Nubia ; ... Le Caire, 1967, p.106). Or le groupe A n'a
pas été seulement nubien. Dans le Butana, les sites néolithiques (le
Groupe A comme les Amratiens et Gerzéens étaient des néolithiques)
révèlent la même économie à prépondérance pastorale que la Nubie (F.
Geus, BSFE, 94, p. 25) et une poterie qui évoque les céramiques
du groupe A et de Kerma (Ibid, p.27).
Signalons au passage
que le tribut de la 3e
expédition chargé sur les 300 ‰nes ne pouvait provenir du pays des
Temehou (populations nomades du Sahara médian). A ce niveau du récit, HERKOUF
revient à ce qui était le but véritable de sa mission, à savoir
récupérer des tributs, tout ce qui est relaté sur le pays des Temehou ne
constituant qu'une digression. Ce qui revient à dire que lors de la 3e
expédition, du pays des Temehou, HERKOUF
est parti en direction de Yam avec le souverain de ce pays. Ë Yam, HERKOUF
récupère le tribut et prend le chemin du retour. A-t-il pris dès cet
instant la route terrestre ? Rien ne permet de le dire. Il a bien pu
emprunter la voie fluviale jusqu'au premier point de rupture de charge.
De là, il chargea le tribut sur des ‰nes et prit la piste de Tom‰s, qui
lui permettait de reprendre plus à l'ouest la route de l'Ivoire.
L'abandon du Nil au profit de la route terrestre s'expliquerait par
l'hostilité des populations de la Basse Nubie sub-égyptienne et par la
difficulté de traverser la cataracte en cette période des basses eaux.
Ces Nubiens du Sud immédiat de l'Egypte en faisaient voir de toutes les
couleurs à Pharaon. Il leur était arrivé de séquestrer des Egyptiens.
La nature des produits
remis à HERKOUF
comme tribut par le prince de Yam milite pour une
localisation de Yam dans le Soudan nilotique et suggère que Yam était
très étendu vers le Sud. La route qui partait de l'oasis de Dakhleh ou
Khargeh n'aboutissait-elle pas au Darfour ?. Yam devait s'étendre
jusqu'à ces latitudes, à l'orée du domaine subéquatorial. Là, on
comprendrait que les gens de Yam aient capturé un pygmée qu'ils remirent
à HERKOUF.
La proposition de A.J. Arkell localisant Yam au Darfour nous semble
posséder plus de consistance que ne le souponne H. Goedicke.
3. Conclusion
Cette
localisation de Yam jusqu'aux latitudes du Darfour en fait
un pays lointain. Elle diffère de la suggestion de A. Gardiner (reprise
par H. Goedicke) selon laquelle la présence de Yamites dans la "police"
de pharaon dès l'Ancien Empire, traduit la proximité de Yam par rapport
à l'Egypte (cf. Ancient Egyptian onomastica, I, 1947, p.
74-76).
Elle explique mieux le
fait que des objets égyptiens aient été découverts en Afrique
équatoriale (malgré le doute sur les conditions dans lesquelles de
telles découvertes ont eu lieu) comme la statuette d'Osiris retrouvée au
Katanga (cf. J. Leclant, "Égypte pharaonique et Afrique",
séance publique annuelle des cinq académies, Institut, 10, 1980,
p.6). La nature du tribut de Yam montre que HERKOUF
a atteint la savane. Celle-ci commence au sud de la 3e
cataracte et couvre tout l'espace nilo-tchadien. Le babouin, le
cynocéphale, la panthère n'ont-ils pas pour habitat les confins de l'Ethiopie
et du Soudan ? (la vallée du Gash dit J. Leclant, op. cit., 1980,
p.8). Les pygmées Aka n'ont-ils pas pour habitat et territoire de
chasse l'espace couvrant le nord-est de la Centre-Afrique et le bassin
du Bahr el Ghazal dans le sud-ouest du Soudan ?
Il apparaît
ainsi que les populations que l'on croit être caractérisées par un
traditionalisme ont participé à une intense vie de relations
pan-nilotique dès le 3e
millénaire av. J.C.. A cette date remarque J. Leclant "... les nains
- les pygmées peut-être... semblent témoigner de longues chaînes de
relations indirectes reliant la basse vallée du Nil à des pays d'Afrique
fort lointains" (cf. L'Institut, 10, 1980, p. 9). Il
apparaît dès lors que Yam n'était pas une des oasis du Sahara oriental.
La nature des produits des tributs remis à HERKOUF
lors de ses 3e
et 4e expéditions milite pour une localisation de Yam à partir de la plaine du
Dongola.
Les mentions de
l'ébène (Urk. I, 127, 1) et du pygmée (Urk. I, 128, 15)
traduisent le fait que Yam avait une grande extension vers le sud et
jouxtait le domaine équatorial. Dans les zones tropicales sèches et
humides, le mois de décembre correspond à la période d'engrènement.
C'est à cette date qu'HERKOUF
y arrivait pour récupérer le tribut.
Cette profonde
connaissance de la réalité économique du Soudan nilotique montre la
fréquence des relations entre l'Egypte pharaonique et le Soudan ancien.
Ces relations, HERKOUF
ne les avait pas inaugurées en tant que simple individu. Il a fallu des
prédécesseurs dont certainement IRY,
le père de HERKOUF, qui
accompagna ce dernier lors de la première expédition. C'est probablement
à la suite des descriptions faites par ces derniers que MÉRENRE
I décida d'établir des contacts officiels qu'inaugure HERKOUF.
Yam lui-même était bien
impliqué dans les relations entre le Soudan et le domaine équatorial,
avec les groupes pygmées. Ces derniers ne sont donc pas les derniers
hommes du Paléolithique. Ils étaient en relation avec des sociétés et
Etats plus de 2500 ans avant le Christianisme, plus de 3100 ans avant
l'Islam. Leur situation historique, leur genre de vie pour ne pas dire
leur mode de production ne sont pas la conséquence d'un quelconque
isolement de l'Afrique au sud du Sahara, mais celle de l'adaptation à
leur environnement de leur être anthropologique.
La tombe de Houy
(XVIIIe dynastie) témoignant de l'existence de relations diplomatiques
et commerciales entre l'Egypte pharaonique et l'Afrique intérieure.
Celles-ci furent précoces et intenses. C'est sous la VIe dynastie
(2625-2475 av. J. C.) que l'Egyptien HERKOUF a conduit ses expéditions
vers le pays de Yam.
Notes
. G.W.F. Hegel,
La raison
dans l'histoire, traduction de K. Papaïoannou, Plon, 1979, p. 245.
. Ainsi Marianne Cornevin
réinterpelle la vieille "Ethnologie", parle du traditionalisme
(conservatisme) comme trait fondamental des sociétés négro-africaines
non touchées par l'Islam et le Christianisme, Archéologie africaine,
Maisonneuve-Larose, 1993, p. 77.
. M. CORNEVIN,
op. cit.
, 1993, p. 81.
. M. BERNAL, Black Athena.
The Afro-asiatic Roots of Classical Civilisations, I, 1987 ; II,
1991 ; Rashid El-Nadoury, "Le legs de l'Egypte pharaonique", in
G. Mokhtar (éd.), Histoire Générale de l'Afrique, II, 1980, pp.
153-190.
. A. E. H. Zayed,
"Relations de l'Egypte avec le reste de l'Afrique", in G. Mokhtar,
Histoire Générale de l'Afrique, II, 1980, pp. 133-152 ; C.A. Diop,
Antériorité des civilisations nègres... Présence Africaine,
Paris, 1967 ; C.A. Diop, Civilisation ou Barbarie, Présence
Africaine, Paris, 1981 ; P.L. Shinnie, "Trade routes of the Ancient
Sudan : 3000 BC - AD 350", in W.V. DAVIES (editor), Egypt and
Africa, 1993, pp. 49-53 ; (cf. dans le même ouvrage édité par
W.V. DAVIES, les études de Roger Blench, "Connections between ancient
Egypt and sub-saharian Africa : The evidence of cultivated plants",
pp. 54-56 ; W.V. Davies, "Egypt and Africa" in the British Museum,
pp. 314-320).
. Texte de la biographie de
HERKOUF, cf. K. Sethe , Urkunden I, Leipzig, 1933, pp.
120-131 ; Schiaparelli, "Una tomba egiziano inedita", in
Memorie della reale academie dei Lincei, anno 289, Série 4 a, volume
I, Part I, 1892, pp. 21-53 ; Morgan (J. de), Catalogue des monuments...,
I, pp. 162-173 ; A. ErMAN, in ZAS, 1892, pp. 78-83 ; J.H.
Breasted, Ancient records of Egypt, Chicago, 1906, paragraphes
332-336 et 351-353.
. HERODOTE, II, 29.
. URK, I, 120, 14-15
et 123, 12-14.
. La fonction de gouverneur
du Sud fut instituée par MERENRE I. C'était une réaction pharaonique
face à la "fronde" des nomarques qui luttaient contre l'omniprésence de
la bureaucratie de l'état memphite (B. Sall, in Afrika Zamani,
14-15, 1984, pp. 21-31). Le premier courtisan qui exera la charge fut
OUNI (URK. I, 98). C'était sous MERENRE I. Dans la mesure où
HERKOUF portait le titre de "Gouverneur du Sud" dans la partie
introductive du texte de sa biographie (donc au moment de la première
expédition faite sous MERENRE I), il a selon toute probabilité été le
successeur de OUNI comme "Gouverneur du Sud".
.Parmi les études relatives
aux voyages de HERKOUF et à la localisation de Yam, on peut signaler
W.M.F. Petrie, A history of Egypt..., 1894, pp. 99-100 ; P.E.
Newberry , "Three old-Kingdom travellers to Byblos and Pwenet",
J.E.A, 24, pp. 182-184 ; E. Edel , "Inschriften des Alten
Reichs, V : Die Reiseberichte des Grw-nwjf", in O. Firchow,
Ägyptologische Studien, Berlin, 1955 ; J. Yoyotte, "Pour une
localisation du pays de IAM", BIFAO, 52, 1953 ; D.M. Dixon, "The
land of Yam", JEA, 44, 1958 ; A. Gardiner, Egypt of the
pharoahs, 1961, pp. 99-100 ; H. Goedicke , "Harkhuf's travels",
JNES, XL, 1981, pp. 1-20 ; J. Leclant, "L'exploration des
côtes de la mer Rouge. Ë la quête de POUNT et des secrets de la mer
Erythrée", Annales d'Ethiopie, XI, 1978, pp. 69-73.
. Les propos de HERKOUF
selon lesquels aucun courtisan ou caravanier qui avait été envoyé vers
Yam n'avait réussi ce que lui-même avait fait (URK. I, 125,
10-11) prouvent que ses expéditions n'avaient pas été les premières. (cf.
P.E. Newberry, op. cit., JEA, 24, 1938, pp. 182-184 ; R.
Dawson , "Pygmies and dwarfs in ancient Egypt", JEA, 24,
pp. 185-189). Il y en avait eu sous le pharaon Isesi selon HERKOUF
lui-même (URK. I, 128, 17 ; 129, 1 et 131, 2).
. URK . I, 128, 1 à
131, 7 ; J.H. Breasted, op. cit., 1906, parag. 351-353.
. Pour une raison
inexpliquée, H. Goedicke (op. cit., p. 1) date l'expédition de
l'an 3 ou 4 du règne de PEPI II.
. Probablement que HERKOUF
partait chaque fois à cette date. Akhet ou première saison de
l'année agraire commenait quand la crue entre en Egypte, à Eléphantine.
Cela se passe vers le 21 juillet. Le 3e mois commence donc aux alentours
du 20 septembre. Quinze jours après, cela nous amène au 5 octobre. Dans
la zone tropicale comme en Egypte, octobre est la fin des pluies et de
l'inondation.
. HERKOUF ne dit rien sur la
voie qu'il a empruntée pour mener la quatrième expédition. Le même
silence vaut pour la première. On peut penser qu'au sortir de l'Egypte,
c'est toujours la voie terrestre qui était choisie. Hérodote a rappelé (II,
29) les difficultés de naviguer dans la première cataracte. L'objet de
la première expédition était d'ailleurs d' "explorer une route
menant vers ce pays (Yam)".
(URK.
I, 124, 12). Ë la seconde, il prit la route terrestre de l'Ivoire ou d'Eléphantine
(Urk. I, 125,1). Ë la troisième, il emprunta la route qui de
Thinis menait à l'oasis (de Dakhleh selon toute probabilité : cf.
J. Vercoutter, in BSFE, 92, 1981, p. 19 contre H. Goedicke qui
pense à Khargeh), à quelques 400 km de la vallée. De là, HERKOUF piquait
vers le Sud. La quatrième expédition n'a certainement pas échappé à la
règle consistant à emprunter la route terrestre.
. Perspective retenue par H.
Goedicke (op. cit., p. 4) mais comme la limite méridionale
atteinte par HERKOUF et identifiée à Tom‰s en Nubie. [Hérodote qui a
tenté de reconstituer une relation de voyage en Ethiopie (Nubie et
Soudan nilotiques) écrit "...après l'avoir traversé (le lac situé au
Sud de l'"le de Tachompso) vous rejoindrez le cours du Nil" (II,
29). Certes la géographie de la Nubie ne se retrouve pas dans ce texte
mais en écrivant "vous rejoindrez le cours du Nil...", il traduit
le fait qu'en partant d'Egypte vers le Sud à travers les routes
occidentales, on débouchait à un moment donné sur le Nil moyen, mais au
débouché d'une piste terrestre, d'où l'erreur dans la reconstitution.]
Puisqu'une
partie du voyage retour de la 4e expédition s'est faite par voie d'eau (cf.
URK. I, 130, 6 et 9), on peut penser qu'à l'aller aussi, il était
possible de remonter une section du Nil moyen par bateau.
. URK. I, 124, 13.
. URK. I, 125, 4.
. HERKOUF partit par la
route de l'Ivoire (URK. I, 125,1) dont le débouché en Egypte se
situait dans le nome d'Eléphantine selon H. Goedicke lui-même (op.
cit. , 1981, 3 et 7) qui rejette la suggestion de D.M. Dixon qui plaait
ce débouché au niveau de Memphis (in "Land of Yam", JEA,
44, 1958, p. 54). Aussi bien E. Edel (in O. Firchow, op. cit.,
1955, p. 63), J. Yoyotte (op. cit. , 1953, p. 174) que T.
Säve-Soderbergh (op. cit., 1941, p. 27) ont traduit W3t 3bw
(URK. I, 125, 1) par "route d'Eléphantine" bien que le
déterminatif soit une tête de pachyderme. Il reste que ce caractère
n'est pas répertorié par A. Gardiner dans la Sign-list de son Egyptian Grammar, pp. 544-548. Aucune variation consonantique n'est
établie entre les phonogrammes des termes Eléphantine, Eléphant et
Ivoire par Gardiner (op. cit., 1978, p. 461, E26 ; p. 549 ; p.
611). Même attitude chez R.O. Faulkner, A concise dictionary of
Middle Egyptian, 1976, p. 2.
. URK. I, 125, 2-3.
H. GOEDICKE (in JNES, XL, 1981, p. 5) engage une discussion
contre E. EDEL à propos du terme h3 :
(
),
généralement traduit par "descendre". En écrivant "Je passais
(descendais) dans Irthet..." (URK. I, 125, 2) HERKOUF
a-t-il voulu dire autre chose qu'il est passé du désert (des hautes
terres) à la vallée (basses terres) ? Ici,
peut
être rendu par "descendre" ou "passer par...", "passer dans..." pour
rester proche du pharaonique.
. URK. I, 125, 8-9.
. URK. I, 125,
6. H. GOEDICKE pense que cette formulation qui évoque Yam par
l'expression "ce pays" suppose un antécédent dans le texte. Aussi
propose-t-il de lire
non
pas comme un toponyme (Maher) mais m c h . (i) r n3st.
En renvoyant à E. Edel (AltŠgyptische
Grammatik, paragraphe 485), Goedicke ne règle pas la question de
l'antécédent de
car
même en disant que
est
une expression, il retrouve le terme Khasset
qui n'est pas une nomination mais une évocation, et qui ne peut être
l'antécédent de
.
En fait, il faut prendre la biographie de HERKOUF comme un seul et même
texte divisible en quatre parties après l'introduction (une pour chaque
expédition). Dans ce cadre l'antécédent de
(URK. I, 125, 6) est à rechercher dans la première partie
(première expédition) où le toponyme Yam, antécédent de "ce pays" est
écrit en tant que tel (URK. I, 124, 11). Quant à
, il faut y voir un toponyme. En y voyant une expression comme le
suggère Goedicke, on brise l'énumération des pays traversés, énumération
qui semble bien être la préoccupation de HERKOUF dans ce passage de sa
biographie.
. URK. I, 125, 9 :

. H. GOEDICKE,
op. cit.,
1981, p. 8.
. Pour formuler cette
hypothèse d'une vitesse journalière de 30 km, nous avons utilisé les
récits des explorateurs du siècle dernier comme René Caillé, Mungo Park,
Frédéric Cailliaud, etc... Selon B. BURTON et J. SPEKE (Aux sources
du Nil, Phébus, Paris, 1988, p. 49) durant leur expédition, il leur
arrivait de franchir 225 km en une semaine.
. En partant d'Eléphantine,
HERKOUF laissait derrière lui 1200 km (longueur du Nil en Egypte).
Puisque la longueur totale du Nil (lac Victoria-mer Méditerranée) est de
6400 km, notre caravanier n'était plus qu'à (6400 km - 1200 km) 5200 km
des sources du Nil.
. Elle est d'autant plus
indéfendable que pour H. Goedicke (op. cit., p. 8) après 8 mois
de marche, HERKOUF n'est qu'à Tom‰s (Ibid., p. 9) entre Ed-Derr
et Aniba, en Basse-Nubie (entre les 1ère et 2e cataractes).
. URK. I, 124, 14 ;
125, 6 et 126, 17.
. URK. I, 120,
14, 15.
Le caractère stratégique de
la fonction résidait dans le fait que le gouverneur du Sud était préposé
à la collecte des impôts. C'est Ouni (le 1er fonctionnaire qui occupa le
Gouvernorat du Sud) qui donne l'information dans sa biographie (URK.
I, 98). On peut penser que HERKOUF partait pour Yam à la même date
c'est-à-dire aux alentours du 5 octobre (15e jour du 3e mois de la
saison de Akhet). L'absence durant 7 à 8 mois, il était de retour
en Egypte au mois d'avril-mai. Ë cette date, en Egypte, c'est la saison
des récoltes et de l'engrenage (3e saison). HERKOUF pouvait
immédiatement commencer la collecte des impôts. Collecteur des impôts,
le gouverneur du Sud était aussi celui qui "apporte les produits de tous
les pays [tributs] à son maître
" (cf.
URK. I, 123, 17). Il était par conséquent (s'il exerçait
consciencieusement sa charge) à la base de la bonne santé financière de
l'Etat. Nous avons tenté dans une autre étude de montrer qu'en n'exerant
pas la charge, les gouverneurs du Sud ont participé à l'affaiblissement
de pharaon et favorisé la révolte qui débuta la première période
intermédiaire (cf. B. Sall, "Les luttes politiques en Egypte",
Afrika-Zamani, 1984, pp. 21-31).
. H. GOEDICKE,
op. cit.,
1981, p. 8.
. D. M. DIXON,
op. cit.,
p. 47 ; J. YOYOTTE, op. cit., p. 176 ; T. Säve-Soderbergh, op.
cit., 1941, pp. 15-16.
. B. SALL, "L'avènement
des Candaces", ANKH, 3, 1994, pp. 74-76.
. En empruntant la
route de l'Ivoire à partir du nome d'Eléphantine (2e expédition),
HERKOUF ne pouvait dire autre chose que "Je suis passé dans Irthet...
"
...
;
(URK.
I, 125, 2-3). Le terme
généralement traduit par "descendre" peut ici être entendu sous le sens
de "passer dans, traverser". Cela, concernait l'aller. Sur le chemin du
retour, revenant de Yam avec des tributs en grande quantité (URK.
I, 125, 6) HERKOUF descendit (par bateau peut-être) ou passa dans
() le domaine
(
)
du prince qui gouvernait cumulativement les Etats de Setou (HERKOUF
n'était pas descendu, n'avait pas traversé Setou à l'aller) et de Irthet
(URK, I, 125, 8). Ainsi, Irthet apparaît comme un point de
rupture de charge, un lieu où une piste détachée de la route de l'Ivoire
rejoignait le cours nubien du Nil.
HERODOTE qui a tenté une
reconstitution d'une relation de voyage en Ethiopie (moyen Nil) avait
entendu l'expression "rejoindre le cours du Nil" (II, 29). N'ayant pas
recueilli toutes les informations sur les voies et moyens par lesquels
les Egyptiens menaient des voyages dans le moyen Nil, il a imaginé une
possibilité. Son erreur à résidé dans le fait d'écrire qu'on rejoint le
cours du Nil après avoir traversé un lac (qu'il place au sud de l'île de
Tachompso). Or les deux membres de phrase - "Après l'avoir [le lac]
traversé" et "rejoindrez le cours du Nil" (Hérodote, II, 29) - de
l'historien grec expriment l'existence d'une sorte d'escale, point de
rupture de charge en Nubie. Malheureusement, ses informateurs ne
semblent pas lui avoir dit que "vous rejoindrez le cours du Nil" au
débouché non pas d'un lac mais d'une piste terrestre, celle de la "route
de l'Ivoire".
. URK. I, 125, 8-9.
. URK. I, 125, 10.
. URK. I, 125, 8-9.
. URK. I, 127, 5-7.
. URK. I, 127,
8. L'élevage a constitué la base économique des Nubiens, aussi bien des
groupes A et C que des gens qui ont élaboré la culture de Kerma (cf.
comptes-rendus de la mission archéologique suisse dans la revue
Geneva depuis 1978). On sait que Snefrou ramena d'une expédition
militaire faite en Nubie quelques 20 000 têtes de bétail, selon la
pierre de Palerme.
En spécifiant que le tribut
des Nubiens était constitué de bétail, le récit de HERKOUF est conforme
à ce que l'on sait aujourd'hui de la géographie économique de la Nubie
dans l'antiquité. Ë la différence des Nubiens, les gens de Yam ont donné
comme tributs du bois d'ébène, des fauves et des grains (URK. I,
127, 1-3). Yam avait donc une économie basée sur l'agriculture,
l'exploitation des ressources forestières et la chasse.
. URK. I, 127, 4.
Devant le ballet égyptien vers Yam et Pount, les Etats nubiens
déclenchaient une dynamique fédérative pour échapper à la tutelle de
pharaon (cf. B. SALL, "L'avènement des Candaces",
ANKH,
3, 1994, pp. 74-76).
. URK. I, 128, 15 ;
130,14
. R.O. FAULKNER (op. cit.,
1976, p. 314) et R. DAWSON ("Pygmies and dwarfs in Ancient Egypt
", JEA, XXIV, 1938, pp. 185-189) traduisent avec beaucoup d'à
propos Deneg par Pygmée.
. C. A. DIOP, L'antiquité
africaine par l'image, Notes africaines, nû 145/146, 1975, p.
22, fig. 28 ; P. MONTET, l'Egypte éternelle, 1970, p. 45, fig.14
; J. CAPART, Les débuts de l'art en Egypte, 1904, p. 214.
. URK. I,
130, 14-15. Notons les desiderata du
pharaon PEPI II :
"Rentre immédiatement"
(URK. I, 129, 15) "Place des bons Egyptiens à ses côtés quand il
(deneg) entre dans le bateau" (URK. I, 130, 6-8). "Quand
il (deneg) dort, choisis d'excellents hommes qui se coucheront à
côté de sa tente" (URK. I,130,10-12) "Fais dix vérifications
chaque nuit" (URK. I, 130, 13) etc... Toutes ces mesures
montrent le caractère nouveau de ce personnage
dans l'univers culturel de l'Egypte.
. URK. I, 128, 17 et
129, 1.
. Localité non identifiée (cf.
J. LECLANT, "L'exploration des côtes de la Mer Rouge...",
Annales d'Ethiopie, XI, 1978, pp. 69-73.
. C'est l'expression
(URK.
I, 128, 16 et 130, 1) que J.H. Breasted (op. cit., parag. 351 et
353) traduit par "Pays des Esprits". Il a dé probablement transcrire
t3 3nw. H. Goedicke (op. cit., p. 17) rectifie la
transcription en t3 3ntyw et traduit par Pays des horizontaux,
entendons Pays de ceux de l'horizon. Il n'est pas évident que le second
volatile soit l'hiéroglyphe de tyw (cf. A. Gardiner, Egyptian Grammar, 1978, G.4). Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit
de catégories abstraites, de divinités probablement comme l'illustre le
port de la barbe postiche dans la seconde occurrence du terme dans le
texte (URK. I, 130,1). H. Goedicke établit une relation de
dérivation entre 3ntyw et 3nt (horizon). Perspective
défendable puisque l'horizon
est écrit parfois
URK.
V, 28, 3), d'où "Celui [dieu] des 2 horizons" qui est orthographié
3nty
(URK. IV, 361, 13) ou
(Pyr. 346). De là à conclure que le pays t3 3ntyw (mythique) des
Akhetiou doit être à l'Est ou à l'Ouest de l'Egypte car au Sud il
n'y a pas d'horizon (H. Goedicke, op. cit. , p. 17) nous para"t
une vue exagérée. Si l'horizon n'est que la ligne où le ciel et la terre
semblent se toucher, de quelque côté qu'on se tourne, il y a un horizon
[lire Hérodote, III, 114 ; Fragment 226 de FGH/C. Müller ; Nauck,
fragment 192 ou Eschyle, Prométhée enchaîné]. Il reste que t3
3xtyw
désigne un pays des dieux puisque
(3x)
veut dire "Esprit" (URK. IV, 518, 7)
(3xw)
signifie "puissance de dieu" (URK. IV, 160, 5) et
(3xt)
= "oeil de dieu". Sur le sens du terme Akhu cf. J. C.
GOMEZ, in ANKH, 3, 1994).
. R. LONIS, "Les
Ethiopiens du Pseudo-Scylax
- Mythe ou réalité
géographique ?", in Mélanges offerts à R. Mauny, Tome 1,
1981, pp. 388-390.
. Dans les sources grecques,
le terme "Ethiopien" veut dire "Noir". "Les Ethiopiens qui habitent
près du fleuve ont la peau noire, le nez camus et les cheveux crépus"
dit Diodore (III, 8,2). ARRIEN note que les Ethiopiens qui habitent au
sud de l'Egypte [près du Nil donc] sont les plus noirs de la terre (Anabase
d'Alexandre, V, 4,4) et ont le nez très aplati (Indika, VI,
6, 9) cf. SNOWDEN, Blacks in Antiquity..., 1970, pp. 1-7.
. HOMéRE,
Iliade, III,
2-7 ; cf. aussi Hérodote, II, 22.
. Y. KAMAL, MCAA (Monumenta
Cartographica Africae et Aegypti), I , p. 23.
. Yam était un pays
forestier puisque dans le tribut ramené de Yam lors de la troisième
expédition de HERKOUF, figure du bois d'ébène,
URK. I, 127, 1).
. L'hypothèse selon laquelle
les pygmées avaient eu un habitat plus septentrional (D. Olderogge, in
J. Ki-ZERBO, Histoire Générale de l'Afrique, I, 1980, p. 311) a
pour elle une certaine logique. Ë la suite de la désertification du
Sahara, il y a eu tassement autour de l'Equateur géographique du climat
équatorial, et avec lui, recul du Nord vers l'Equateur de l'habitat des
pygmées. Mais cette hypothèse n'a pas de base archéologique. Les petits
hommes dont parle HERODOTE (II, 32 et III, 37) ne peuvent être assimilés
à des pygmées comme le pense le R.P.E. MVENG (Les sources grecques de
l'histoire négro-africaine..., 1972, p. 16, note 2). La raison est
que Hérodote connaissait le terme pugmaios (pygmée). S'il a
préféré dire "petits hommes", c'est qu'il parle d'une autre réalité
humaine, peut-être de paléo-négritiques.
. Ces localisation et
extension de Yam se déduisent d'ailleurs des éléments constitutifs du
tribut de Yam. Les grains de céréales et les panthères (URK. I,
127, 1) ne pouvaient provenir que d'un espace allant du domaine
soudanien au subéquatorial. Or le sud-ouest du Soudan (soudanien) est
adjacent au nord-est de la Centre-Afrique (équatorial) où vivent les pygmées
Aka. C'est dire que Yam avait un contrôle sur un
espace très étiré en parallèles. Le royaume des Garamantes avait une
sphère d'influence aussi étendue si on en croit les expéditions de
Cornélius Balbus et de Julius Maternus. H. GOEDICKE accepte timidement
l'immensité de Yam (op. cit., 1981, p. 18).
. R.P.E. mveng,
op. cit.,
1972, pp. 190-196.
. JNES, 1981,
p. 10. J. Yoyotte (op. cit., p. 176) identifie Yam avec l'oasis
de Dunkul. En partant du nome de Thinis à la 3e expédition (URK.
I, 125, 14), HERKOUF se rendit à l'oasis par la route du même nom. Si H.
Goedicke pense à Khargeh, pour J. Vercoutter, il s'agit de l'oasis de
Dakhleh (BSFE, 92, 1981, p. 19) où la localité de Balat étale des
preuves de son être de centre administratif égyptien au Sahara oriental
pendant l'Ancien Empire.
Parce qu'à Balat résidait un
administrateur égyptien, le prince dont parle HERKOUF (URK. I,
126, 15) ne pouvait être l'administrateur, qu'il aurait désigné par le
terme de hatia
et non par heka
.
La position très méridionale de Yam est exprimée par la guerre menée par
le prince de Yam contre les Temehou (URK. I, 125, 15-17). Nous
pensons que le terme Temehou doit être rendu par "nomades" (cf.
B. Sall, L'apport de l'Ethiopie et de la Libye à l'élaboration de la
civilisation pharaonique, thèse de doctorat ès-lettres, Dakar, 1992,
pp. 81-99). Dès lors, le chef du pays agraire de Yam ne devait pas
manquer de griefs comme des nomades dévastant les terres de culture. Ces
terres de culture ne pouvaient être ni celles des oasis ni celles de la
Basse-Nubie.
. E. EDEL, op. cit.,
in, O. FIRCHOW, 1955, pp. 68-70. Pour rejeter la localisation faite par
EDEL, Goedicke argue du fait qu'à l'Ancien Empire, Kerma (au Sud de la
3e cataracte) n'avait pas d'importance (JNES, 1981, p. 10). Il
semble oublier qu'à Kerma, il y a des cartouches de pharaons de la 6e
dynastie (cf. Nagm El-Din Mohamed Shérif, in G. Mokhtar (éd.), Histoire Générale de l'Afrique, II, 1980, pp. 273-281 ; Fr. Hintze,
"Das Kerma Problem", ZAS, 91, 1964, pp. 79-86).
. URK. I, 126, 17.
. A. GARDINER,
Egypt of
the Pharaohs, 1961, pp. 99-100) et H.W. HELCK (Geschichte des
alten €gypten..., 1968, pp. 75-77) rappellent que c'est le but même
de l'inscription biographique de HERKOUF.
. Ë propos de la nature des
relations entre l'Egypte et Yam, cf. H. GOEDICKE, op. cit.,
1981, pp. 13-14 (plus les renvois ou infra dans le texte).
. Ces Nubiens hostiles
rappellent les Ethiopiens proches de l'Egypte qui habitent près du
fleuve et qui "sont d'un caractère tout à fait farouche et
manifestent leur sauvagerie... par leurs usages... et qui sont aussi
éloignés que possible de la bienveillance humaine" (Diodore, III, 8,
2). Le prince de Irthet, Setou et Wamat n'a atténué son hostilité à
HERKOUF qu'à cause des armées de ce dernier (URK. I, 127, 4-7).
. cf. Inscription de
Sabni, in HABACHI (L.), The obelisks of Egypt..., 1977, p. 40,
fig. 16.
. Seules ces localisation et
extension peuvent expliquer la nature du tribut des 3e et 4e expéditions
(ébène, panthère, grains, pygmées). En localisant Yam dans l'oasis de
Khargeh, H. Goedicke voit que la nature du tribut lui pose problème. Il
suggère que lesdits produits devaient provenir de régions extérieures à
Yam (op. cit., JNES, 1981, p. 16). Si le tribut de Irthet,
Setou et Wawat constitué de bétail (URK. I, 127, 4-8) est
conforme à ce qui fut la base économique des Nubiens (cf. note 39
ci-dessus), celui de Yam (URK. I, 126, 17 et 127, 1-3) ne peut
correspondre qu'à sa production locale. De ce point de vue Yam allait du
Soudan nilotique à l'orée de la forêt équatoriale, zone productrice
d'encens et d'ébène, habitat de fauves et des pygmées.
. H. GOEDICKE,
op. cit.,
1981, p. 16.
. A.J. ARKELL,
A history
of the Sudan..., 1961, pp. 42-43.
. Là s'est développée la
culture de Kerma qui recèle des vestiges prouvant des relations avec l'Egypte
à l'Ancien Empire. Là était le centre nerveux du royaume de Koush qui à
partir du 2e millénaire allait donner du fil à retordre aux
pharaons.
. URK. I, 124, 10.